Récits de quatre Français vivant à Pékin sur leurs raisons d'aimer la capitale chinoise (1 / 2)
"Il est souvent malaisé, quand on est nouveau quelque part, de savoir où s'adresser, où aller, comment faire, sans parler des idées préconçues que l'on peut avoir. Ce qui m'a beaucoup aidé, et continue de contribuer à mon adaptation à Beijing, sont les gens que j'ai rencontrés, Chinois ou expatriés, et c'est lors de ces discussions informelles que l'on apprend les 'trucs qui vous sauvent la vie'", raconte David, un Français installé à Beijing depuis près d'un an.
Plein d'attentes et de curiosités sur cette ancienne capitale de plus de trois mille ans, il a demandé à quatre de ses compatriotes qui y vivent depuis plus de dix ans : quel genre de ville est Beijing et qu'est-ce qui les incite à rester ici? Voici son journal dans lequel il partage ses rencontres et observations avec eux.
Laurent : l'adoption des nouvelles idées et technologies se fait très vite
Laurent est un lève-tôt et me demande de le retrouver à 7h30. Il est un mélange de discipline et de flexibilité intellectuelle. Il a choisi de me faire découvrir un endroit qu'il aime beaucoup, qui allie son amour de la randonnée et de la culture. Nous montons dans sa voiture et direction le temple de Dajue. C'est à une heure de route, c'est une des nombreuses montagnes autour de Beijing et celle-ci comprend trois sommets.
A 9h, nous sommes au pied de la montagne où est aussi niché un temple millénaire magnifique. Nous attaquons le chemin et si ce n'étaient les randonneurs chinois que nous croisons occasionnellement, nous pourrions être n'importe où en France. La forêt a commencé à revêtir ses habits d'automne et nous avons parfois eu l'impression de marcher dans un tableau de Courbet. En quatre heures de randonnées, nous aurons le temps de traverser plusieurs paysages très différents, où les essences des arbres sont très similaires à celles que l'on trouve en France et je redécouvre les mêmes odeurs.
Laurent a grandi dans une ferme en Mayenne, que ses parents ouvriers agricoles tiennent toujours. "Pour faire simple, je suis le fruit de la possibilité que l'on a, en France, de prendre cet ascenseur social via l'éducation, et j'ai donc pu faire de grandes écoles et obtenir un diplôme d'ingénieur".
Un jour, il a décidé de changer d'horizon. Il cherchait un grand pays, de grands paysages et une seule langue, ce sera la Chine. "A l'époque, on connaît mal la Chine, on avait beaucoup d'idées préconçues, encore maintenant d'ailleurs, et j'étais curieux de découvrir ce pays". Il a trouvé un travail dans une grosse compagnie française à Beijing et s'y est installé pour de bon en 2006.
Nous nous arrêtons sur une crête qui doit être à 1.000 mètres d'altitude. Laurent pointe du doigt vers ce qui me semble être le nord-ouest, Beijing est derrière nous. "Tu vois, si tu passes ce sommet, après ce sont des montagnes à perte de vue. C'est vraiment superbe!" Nous commençons à redescendre.
Je lui demande pourquoi il est resté en Chine alors qu'il a reçu régulièrement des propositions de travail très intéressantes ailleurs. "Les gens sont les mêmes partout dans le monde. Les besoins de bases, les envies sont les mêmes et juste parce qu'on émet différents sons, et que l'on a du mal à se comprendre, ne veut pas dire que l'on est foncièrement différent. On m'a proposé souvent d'aller travailler à Paris, mais par exemple, dans les bouchons à Paris, je perdrais mon temps. A Beijing, je discute avec le chauffeur de taxi, il me raconte sa vie et en plus j'améliore mon mandarin. Ce que j'aime aussi ici, c'est que c'est un pays qui a gardé un esprit de pays en développement, dans le sens où l'on trouve toujours une solution. Ce que j'aime également beaucoup, c'est que comme la Chine a eu une croissance relativement récente, qu'il n'y pas trop d'historique de développement, l'adoption des nouvelles idées et technologies se fait très vite".
Hortense : je crois que Beijing est la capitale mondiale de la biodiversité et les gens ici sont chaleureux, ouverts et ont la communication facile
Ma prochaine rencontre est avec Hortense en milieu de journée dans un ancien parc qui se trouve juste à côté du quartier des affaires. Nous sommes au parc Ritan, qui date de 1530. C'est un endroit magnifique, hors du temps, cerné de gratte-ciels, anachronique. Nous nous installons à la terrasse d'un café posé sur le bord d'un lac entouré d'arbres multi-centenaires et de rochers, et la quiétude de l'eau est seulement troublée de temps en temps par le saut de gros poissons rouges ou jaunes.
Hortense travaille aujourd'hui pour une compagnie avec des investissements étrangers basée en Chine. Née en France, elle a déménagé à l'âge de sept ans à Hong Kong où elle a découvert très tôt sa passion pour la culture chinoise. Elle est arrivée à Beijing en 2003. C'est à ce moment-là qu'elle découvre l'endroit où nous nous trouvons, et aussi ici qu'elle rencontre celui qui deviendra son mari, lui-même Pékinois.
Je l'interroge sur ce qu'elle aime à Beijing et aussi ce qu'elle aime moins. "Pourquoi je t'amène ici en fait, dans ce parc, c'est que c'est le Beijing plus traditionnel. Que ce soit dans les parcs ou dans les hutongs (ruelles anciennes, typiques de Beijing), on a une véritable vie sociale où les gens se connaissent, papotent, jouent, dansent ou chantent ensemble. Il y a aussi le côté nature. A Beijing, il y a énormément de lieux naturels, de parcs. Je crois que Beijing est la capitale mondiale de la biodiversité. Il y a la facilité de se rendre à la campagne, d'aller faire des randos à la montagne ou sur la Grande Muraille. Par contre, ce dont je souffre le plus ici, mais qui est sans doute le problème de toute grande ville, est le fait que les distances sont tellement grandes, on ne peut pas marcher et on est tout le temps dans les transports."
Elle doit retourner au travail et conclut en parlant des Pékinois. "Les gens ici sont chaleureux, ouverts et ont la communication facile. Et c'est vrai que mes premières années à Beijing, un chauffeur de taxi, tu refaisais le monde avec lui. Une autre chose que j'apprécie beaucoup ici, et qui peut peut-être énerver des observateurs occidentaux, est que les Chinois évitent la confrontation et recherchent plutôt l'harmonie."