Vous avez tout à fait raison Hebei ! C'est aussi parce que les feuilletons sont des vecteurs idéologiques plus révélateurs de l'imaginaire d'un peuple que de la réalité qu'ils sont censés représenter qu'ils me semblent intéressants à analyser sur ce forum dédié à la Chine et au chinois. Votre remarque sur les modèles américains est à ce titre fort intéressante (j'ai vu un feuilleton policier qui m'a fait mourir de rire tant il était une pâle imitation de ce que les Américains peuvent faire dans ce genre).
Mais les feuilletons sont aussi une mine de renseignements factuels ; j'avais toujours rencontré le
« kang » dans mes lectures, par exemple, je n'en avais jamais vu ! Dans le feuilleton dont nous parlons en ce moment, il est omniprésent chez les paysans ; la manière de s'y asseoir, d'y dormir, le mobilier qu'on y installe et qui l'accompagne, tout cela est plein d'intérêt et exempt de déformation idéologique....
Sachant, grâce à Michelem, que le feuilleton se passe à Dongning dans la province de Hēilóngjiāng, une province au Nord-Est de la Chine, à la frontière russe, j'ai fait quelques recherches sur cette région et découvert que non seulement c'est
« la province la plus froide de Chine », ce qui explique sans doute la survivance du kang, d'autre part une région qui tarde à se développer. Mais on apprend surtout dans
Wikipédia que cette région est
« réputée en Chine pour la qualité et l'originalité de ses comédiens humoristes pastichant la vie rurale chinoise. » On comprend alors pourquoi les moeurs paysannes apparaissent si caricaturales dans le feuilleton, ce qui nous en apprend autant sur l'idéologie chinoise dominante que sur les moeurs campagnardes.
Pour répondre à Tintin cette fois, qui dit ne pouvoir supporter
« pleurs, cris et grincements de dents » dans les feuilletons, je dirai que c'est l'une des choses qui m'ont le plus étonnée dans ceux que j'ai pu voir. Il est vrai qu'on y crie et qu'on y pleure beaucoup, littéralement à chaudes larmes ! Cette apparente propension pour les larmes est aussi est une
« façon de faire», prise entre réel et imaginaire sans doute, qui me semble assez révélatrice de la culture chinoise.
Je suis beaucoup moins convaincue par sa curieuse définition de l'expression
« porter la culotte » et par son analyse des rapports hommes/femmes !
Tintin a écrit :Et il est vrai que la femme chinoise (paysanne ou pas) a plusieurs cordes a son arc, travaillant souvent plus que l'homme (d'ou mon observation de "porter la culotte") et c'est aussi pour cela qu'en cas de séparation, les enfants et la maison lui sont confiés...ce n'est qu'un "juste" retour des choses...
« Porter la culotte », que je sache, ce n'est pas trimer inlassablement au service d'un autre, mais bien plutôt régenter la maisonnée et usurper le pouvoir censé revenir
« naturellement » à l'époux. Quant au
« 'juste' retour des choses » qui consisterait pour les femmes à assumer l'éducation des enfants en cas de séparation, c'est encore la situation qui prévaut en France où les familles
« monoparentales » sont massivement sous la responsabilité de mères paupérisées par le divorce et devant assumer seules, contre toute justice, l'éducation et l'entretien des enfants !
Comme le disait Marx,
« le prolétaire du prolétaire, c'est la femme du prolétaire », il semble que cela soit encore trop souvent vrai en Chine malgré l'émancipation sans précédent qu'a connue
« l'autre moitié du Ciel » grâce, entre autres, comme le montre là encore notre feuilleton, à l'action et aux cadres du Parti.