voici un autre article de cet excellent dossier :
http://www.icilachine.com/culture/histoire-de-la-chine/62-histoire/1359-les-trois-royaumes-de-john-woo-le-contexte-historique-autour-du-film.html
Le contexte historique de la fin des Han
Nous sommes à la toute fin de la dynastie des Han, sous le règne du dernier souverain de la dynastie, l'empereur Xian ( 汉献帝 ), fils de l'empereur Ling ( 汉灵帝 ) pendant le règne duquel a éclaté la révolte des Turbans jaunes, en 184.
L'empire est exsangue, aux mains de divers seigneurs de guerre qui tentent d'étendre le territoire qu'ils contrôlent. En 189, l'un d'eux, du nom de Dong Zhuo, écarte du trône le successeur légitime Liu Bian pour y placer son frère, l'empereur Xian, justement, qui n'est donc plus désormais qu'une marionnette que tout le monde cherche à contrôler pour légitimer son propre pouvoir.
Dong Zhuo est assassiné en 192 et l'empereur Xian finit, en 196, par tomber sous la coupe du seigneur de guerre le plus puissant du nord du pays, le redoutable Cao Cao ( 曹操 ), qui n'a plus, dès lors, qu'une idée : réunifier et pacifier l'ensemble du pays sous sa tutelle. Mais il doit pour cela reconquérir la partie sud de l'empire, où il doit affronter deux factions rivales très puissantes : celle de Sun Quan ( 孙权 ) et celle de Liu Bei ( 刘备 ).
Toute la partie sud-est de l'empire est contrôlée par la famille Sun dont le dernier descendant, Sun Quan ( 孙权 ), succède en 200 à son frère Sun Ce ( 孙策 ), assassiné par une bande rivale dont il avait tué le chef peu de temps auparavant. Sun Quan n'a que dix-huit ans, mais, entouré des conseillers de son frère, il va se révéler très vite un redoutable adversaire.
Quant au sud-ouest, ce qui correspond en gros à ce qui est aujourd'hui le Sichuan, autour de Chengdu, il est plus ou moins contrôlé par le gouverneur local, Liu Biao ( 刘表 ), qui a donné refuge à un autre chef de guerre qui s'est enfui du nord après avoir tenté d'assassiner Cao Cao, Liu Bei, ( 刘备 ). Car ce Liu Bei est un (lointain) descendant de la famille impériale et en revendique l'héritage.
Face aux visées hégémoniques de Cao Cao, tout ce petit monde va se serrer les coudes pour empêcher l'impétrant de conquérir le sud.
Les visées hégémoniques de Cao Cao
En 207, Cao Cao a réunifié le nord de l'empire et fini d'en sécuriser la frontière nord après une campagne victorieuse contre les tribus Wuhuan qui s'étaient alliées à un autre chef de guerre. Au retour, il est nommé chancelier impérial : il est tout puissant.
Il peut dès lors se tourner contre le sud : il commence la campagne à l'automne 208, direction le bassin moyen du Yangtse, dont la base navale stratégique de Jiangling ( 江陵 ), contrôlée par Liu Biao, était la clé de l'accès au sud.
Cette première étape de la campagne est un succès. Le clan de Liu Biao, malade, a été affaibli par une lutte entre ses deux fils pour sa succession. A sa mort, c'est son plus jeune fils qui lui succède et, paniqué, se rend tout de suite. Jiangling tombe aux mains de Cao Cao avec une flotte importante et tout un dépôt de munitions.
Cependant, Liu Bei réussit à s'enfuir, avec une horde de civils et de soldats poursuivis par la cavalerie d'élite de Cao Cao qui en décime les rangs. Liu Bei parvient à rejoindre les avant-postes de Sun Quan, bientôt rejoint par le fils aîné de Liu Biao qui lui amène quelques renforts. Le principal conseiller de Liu Bei, Zhuge Liang ( 诸葛亮 ), est alors envoyé auprès de Sun Quan pour former une alliance contre Cao Cao.
Quand Zhuge Liang arrive, cependant, Sun Quan vient de recevoir une lettre de Cao Cao, se vantant de commander quelque 800 000 hommes, et demandant la reddition sans condition. C'est le commandant en chef de Sun Quan, Zhou Yu ( 周瑜 ), qui trouve les arguments en faveur du combat et de l'alliance : d'abord, Cao Cao avait certainement surévalué ses effectifs, ensuite il y avait dans leurs rangs des troupes récemment récupérées de l'armée de Liu Biao dont la loyauté n'était pas assurée, et en outre, tous ces soldats étaient des gens du nord qui allaient tomber malade dans le climat du sud auquel ils n'étaient pas habitués, surtout qu'ils allaient être épuisés par la marche forcée qui leur avait été imposée.
C'est ainsi qu'eut lieu la « bataille de la falaise rouge » qui a donné son titre au film et en est le sujet principal : 《 赤壁之战 》Chìbì zhī zhàn.
La bataille dite « de la falaise rouge »
Il y eut en fait trois batailles successives pour venir à bout de Cao Cao, mais c'est la première qui est la plus célèbre.
Cette première bataille, la bataille navale de Wulin ( 乌林 ) dans ce qui est aujourd'hui le Hubei, sur la rive nord du Yangtse), est sans aucun doute la plus spectaculaire. La victoire des alliés fut due à l'astuce de l'un des commandants de Sun Quan, Huang Gai ( 黄盖 ).
Les soldats de Cao Cao, comme l'avait bien prévu Zhou Yu, étaient épuisés par la marche et la maladie, mais ils étaient en plus affaiblis par le mal de mer, n'ayant auparavant jamais mis les pieds sur un bateau : Cao Cao avait donc attaché ses bateaux les uns aux autres pour diminuer le roulis.
Ce que voyant, Huang Gai fit préparer des « bateaux-torches » remplis de combustible qu'il enflamma et fit dériver, poussés par le vent, vers la flotte de Cao Cao. Le feu se propageant facilement d'un bateau à l'autre, la flotte fut détruite, avec nombre d'hommes et de chevaux, brûlés ou noyés.
La retraite fut tout aussi désastreuse, en particulier à travers des marécages, au nord du lac Dongting, qui avaient été gorgés d'eau par de fortes pluies, les troupes, décimées par la famine et la maladie, étant une proie facile pour les soldats envoyés à leur trousse par les deux alliés. Cao Cao finit par se replier plus au nord en laissant la base de Jiangling à la garde d'un de ses jeunes cousins, Cao Ren ( 曹仁 ).
Il restait donc à prendre Jiangling. Mais la base était trop bien défendue pour pouvoir être prise directement. Il fut donc décidé de prendre d'abord la ville de Yiling ( 夷陵之战 ), au nord-ouest de Jiangling, la chute de celle-ci signifiant la rupture des lignes de ravitaillement de la base navale. Ce fut la bataille de Yiling ( 夷陵之战 ), avant la bataille finale de Jiangling ( 江陵之战 ) : au bout d'un siège de près d'un an, Cao Ren fut obligé de se rendre faute de ravitaillement, fin 209.Une bataille aux conséquences déterminantesLa « bataille de la falaise rouge » eut pour effet de rééquilibrer les forces rivales et de les rendre désormais incapables de prétendre étendre leur territoire, encore moins viser à une quelconque hégémonie. Cao Cao était relégué dans le nord.
Sun Quan avait subi de lourdes pertes au cours des longs affrontements qui suivirent la bataille de Wulin ; en outre, il perdit en 210 son stratège de génie et ami, Zhou Yu, ce qui l'affaiblit considérablement. Quant à Liu Bei, au contraire, il occupa la province de Jing (en gros le Sichuan) que Cao Cao venait de perdre, ce qui lui donnait, avec le contrôle en amont du Yangtse, un avantage stratégique considérable.
Il en résulta donc un équilibre des puissances débouchant sur les « trois royaumes » qui se répartirent les terres de l'empire après la chute définitive de la dynastie des Han, en 220, lorsque le deuxième fils et successeur de Cao Cao, Cao Pi ( 曹丕 ), finit par renverser l'empereur Xian.
Il sont généralement connus comme Wèi ( 魏 ), Shǔ ( 蜀 ) et Wú ( 吳 ), mais on a tendance, pour les désigner, à rajouter un caractère pour les distinguer d'autres Etats du même nom dans l'histoire chinoise :
Cáo Wèi ( 曹魏 ), domaine, donc, de Cao Pi, avec pour capitale Luoyang. Le « royaume » sera finalement renversé et assimilé en 265 par la dynastie des Jin ( 晋朝 ), fondée par le clan Sīmǎ 司马.
Shǔ Hàn ( 蜀漢 ), territoire de Liu Bei qui s'y déclara empereur en 221 après la proclamation similaire de Cao Pi à Wei. Mais Liu Bei ne prétendit jamais être le fondateur d'une nouvelle dynastie, il se réclamait simplement de l'héritage « familial ».
Dóng Wú ( 東吳 ), contrôlé par Sun Quan qui s'y déclara à son tour empereur en 229.
L'équilibre fut maintenu jusqu'à ce que la dynastie des Jin le fasse voler en éclats, le dernier « royaume » à disparaître étant celui de Wu, en 280.