Les scientifiques chinois et français travaillent main dans la main pour capturer les "feux d'artifice" les plus lointains dans l'Univers
Après avoir assisté samedi au lancement réussi d'un nouveau satellite astronomique sur un site de lancement dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, le scientifique français Bertrand Cordier s'est senti quelque peu soulagé, mais il lui reste encore beaucoup de travail à accomplir.
En tant que chercheur principal français du satellite, M. Cordier était un peu anxieux ces derniers jours. Malgré sa grande expérience des projets spatiaux, c'était la première fois qu'il supervisait en personne le lancement d'une fusée.
Le satellite, baptisé Space-Based Multi-Band Variable Object Monitor (SVOM), fruit d'une collaboration sino-française de près de 20 ans, est chargé de capturer les sursauts gamma qui scintillent comme les "feux d'artifice" aux confins les plus lointains de l'Univers.
Les astronomes appellent ces "feux d'artifice" des sources transitoires. "C'est intéressant parce que c'est lié à la longue histoire de l'astronomie en Chine. La Chine a peut-être été la première civilisation à observer le ciel transitoire il y a 4.000 ans. Dans cette mission, nous poursuivons le travail commencé par les Chinois il y a 4.000 ans", a déclaré M. Cordier, qui travaille au Commissariat français aux énergies alternatives et à l'énergie atomique.
Généralement de très courte durée, les sursauts de rayons gamma sont les phénomènes explosifs les plus violents dans l'Univers après le Big Bang. Ils résultent de l'effondrement d'étoiles massives ou de la fusion d'étoiles compactes binaires. L'observation et la recherche approfondies des sursauts gamma nous aideront à comprendre certaines des questions fondamentales de la science, a déclaré Wei Jianyan, chercheur principal chinois du SVOM qui travaille à l'Observatoire astronomique national de l'Académie des sciences de Chine.
Les principaux objectifs scientifiques du SVOM comprennent la détection et la localisation rapide de divers sursauts gamma, la mesure et l'étude des propriétés du rayonnement électromagnétique de ces sursauts, l'étude de l'énergie noire et de l'évolution de l'Univers à travers ces sursauts, et l'observation des signaux électromagnétiques associés aux ondes gravitationnelles, a détaillé M. Wei.
La conception, le développement et les opérations en orbite de la mission SVOM, ainsi que l'analyse des données et la publication des résultats des recherches scientifiques, ont été ou sont en cours de réalisation par la Chine et la France.
Avec le soutien des dirigeants des deux pays, la mission relève d'une coopération de haut niveau entre la Chine et la France, toutes deux des acteurs majeurs de l'espace.
Cette coopération a commencé dès la conception du satellite en 2005. Lors des négociations, les scientifiques chinois et français ont débattu et se sont affrontés sur le poids, la consommation d'énergie et l'espace physique que leurs instruments scientifiques respectifs auraient sur le satellite, a rappelé M. Wei.
Mais grâce à un dialogue sincère, ils ont atteint leur objectif commun de concevoir un satellite astronomique de pointe.
"Les querelles du début sont maintenant devenues d'agréables souvenirs pour les scientifiques et les ingénieurs de nos deux pays", a déclaré M. Wei.
En raison de la nécessité de communiquer dans le cadre d'une coopération internationale et de l'impact des situations internationales telles que la pandémie de COVID-19, le développement du satellite a pris beaucoup plus de temps que prévu.
"Bien que nous ayons connu des hauts et des bas pendant près de vingt ans, notre objectif initial reste inchangé", a confié M. Wei.
Plus de 100 scientifiques et ingénieurs de part et d'autre ont participé au développement à long terme du satellite. Ils ont appris les uns des autres et tiré le meilleur parti de leur savoir-faire respectif.
La mission a favorisé la compréhension mutuelle entre les confrères chinois et français, qui sont devenus de fervents partisans de l'amitié et de la coopération sino-française.
"La mission SVOM constitue une très bonne tentative de coopération globale et revêt une grande importance. La coopération apporte des retours scientifiques aux deux pays, favorise les avancées dans le domaine de la science et de la technologie spatiales, améliore la compréhension mutuelle, et renforce la confiance des autres pays dans une coopération scientifique spatiale avec la Chine", a commenté M. Wei.
Zhang Yonghe, chef de projet chinois du SVOM, a été impliqué dans la mission depuis le tout début. Parmi tous les projets de coopération internationale auxquels il a participé, le SVOM se distingue comme étant le plus profond et le plus complexe à plusieurs niveaux, notamment sa longue durée et la participation d'un nombre important de personnes des deux pays.
"Les équipes chinoise et française se sont tellement intégrées entre elles qu'elles sont devenues une seule famille. Au départ, nous utilisions le courriel pour communiquer, qui a ensuite été remplacé par la vidéoconférence, et maintenant nous utilisons principalement WeChat", a déclaré M. Zhang.
M. Cordier a ajouté : "nous utilisons WeChat, parce qu'en fait lorsqu'un sursaut gamma apparaît dans le ciel, il disparaîtrait très rapidement. Nous devons ainsi réagir très vite. Pour échanger des messages entre l'équipe française et l'équipe chinoise, le moyen le plus efficace est WeChat."
La coopération aérospatiale entre la Chine et la France a une longue histoire. Depuis la signature d'un accord de coopération entre les deux gouvernements en 1997, la Chine et la France ont collaboré dans divers domaines, dont les vols habités, l'exploration de l'espace profond et l'observation de la Terre.
Le premier satellite développé par les deux pays, le satellite océanographique Chine-France, a été lancé avec succès en octobre 2018. En avril 2023, lorsque de la visite en Chine du président français Emmanuel Macron, la Chine a remis à la France 1,5 gramme d'échantillons lunaires collectés dans le cadre de la mission Chang'e-5 à des fins scientifiques.
Et plus récemment, l'instrument français Detection of Outgassing RadoN (DORN) a été envoyée sur la face cachée de la Lune par la mission chinoise Chang'e-6.
Les 20 dernières années ont vu le développement rapide de la science spatiale en Chine, qui a maintenant atteint un niveau très élevé. Il est étonnant de constater ce développement, et de voir de nombreux jeunes ingénieurs chinois, a déclaré M. Cordier.
Il est important de collaborer avec la Chine, qui est maintenant un acteur majeur dans l'espace, et en particulier dans les sciences spatiales, a-t-il ajouté. "Si nous travaillons ensemble, nous pouvons faire mieux et plus lors des missions."
Le SVOM est une contribution que les scientifiques et ingénieurs chinois et français ont apportée à la communauté astronomique internationale à travers des années de coopération, intégrant des ressources de haute technologie des deux pays, a estimé Liu Yunfeng, directeur adjoint du département de coopération internationale de l'Administration nationale de l'espace de Chine.
La France a des avantages dans la conception de systèmes aérospatiaux, ayant commencé plus tôt dans la recherche en science spatiale et a acquis une riche expérience à travers de nombreux projets scientifiques, a estimé M. Liu. La Chine, pour sa part, dispose d'une grande équipe de recherche en génie aérospatial et des investissements croissants, un nombre important d'améliorations technologiques et de possibilités de lancement, ainsi qu'une croissance rapide du nombre de jeunes scientifiques et ingénieurs, a expliqué M. Liu.
"Les technologies et les ressources aérospatiales chinoises et françaises se complètent. La coopération peut mettre en commun les technologies et les ressources de pointe, améliorant ainsi les niveaux de recherche et de développement des deux pays", a-t-il expliqué.
Cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Le SVOM est une mission de coopération historique entre les gouvernements des deux pays, caractérisée par des technologies innovantes et des défis importants. Les deux parties ont maintenu la confiance et l'assistance mutuelles, et la portée de leur coopération est grande, profonde, étendue et de haute qualité, ce qui conduit à des résultats gagnant-gagnant et offre un modèle de coopération entre la Chine et d'autres pays, a ajouté M. Liu.