L'Art de la guerre


Sun Zi

L'Art de la guerre 孙子兵法 (sūn zǐ bīng fǎ, littéralement : "Stratégie militaire de maître Sun") est le premier traité de stratégie militaire écrit au monde (VIe siècle av. J.-C. – Ve siècle av. J.-C.). Son auteur, Sun Zi 孙子, y développe des thèses originales qui s'inspirent de la philosophie chinoise ancienne. Ses principes stratégiques sont appliqués au domaine militaire, mais peuvent l'être aussi à celui des affaires, de la politique ou de la société. Ce vieil ouvrage apparaît ainsi étonnamment moderne par ses dimensions psychologiques et morales. Il est l'essence de la guerre psychologique illustrée notamment par la guerre d'Indochine, la guerre du Viêt Nam et la guerre sino-vietnamienne.

La tradition associe l'Art de la Guerre, à un général nommé Sun Tzu (Sun Zi), qui aurait vécu à la fin du VIe siècle av. J.-C., et serait entré au service du roi Helu de l'État de Wu. Selon Sima Qian, Sun Tzu aurait fait lire ses Treize chapitres au roi, avant de le conseiller lors de ses campagnes contre l'État de Chu.

Cette attribution a été contestée par des historiens chinois depuis la dynastie des Song, observant l'absence de toute mention de Sun Tzu dans les textes anciens (le Zuo zhuan notamment, qui décrit les guerres entre Wu et Chu), et le fait que les principes défendus par Sun Zi sont plus adaptés à la période des Royaumes Combattants (IVe siècle av. J.-C.), qu'à la période des Printemps et des Automnes. L'Art de la Guerre fut alors attribué à un descendant supposé de Sun Tzu, Sun Bin, qui écrivit également des traités militaires.

Dans les années 1970, la découverte d'une tombe contenant plusieurs textes militaires a mis fin à cette hypothèse. Si elle ne permet pas de prouver l'existence historique de Sun Tzu, elle démontre l'existence de deux traités distincts :

- le Sun Zi 孫子, également appelé Sun Wu Bingfa 孫武兵法, ou Wu Sun Zi Bingfa 吳孫子兵法, attribué à Sun Wu, plus ancien (fin VIe-début Ve siècle av. J.-C.) ;
- le Sun Bin Bingfa 孫臏兵法 également appelé Qi Sun Zi 齊孫子, attribué à Sun Bin, plus tardif (IVe siècle av. J.-C.).

On pense aujourd'hui que l'Art de la Guerre de Sun Tzu date du début du Ve siècle av. J.-C..

L'ouvrage est fondé sur le principe suivant : gagner ou perdre une guerre ne se fait pas par hasard, ni par l'intervention des dieux ou des esprits. C'est une question de méthode et de stratégie. De bons principes stratégiques conduisent à la victoire, il est donc important de les étudier.

Il y a deux concepts de base dans ce livre :

- d'abord, "prendre les possessions de l'adversaire en entier" (au début du chapitre 3), et les conserver – si possible – intactes, en particulier les civils, car l'ennemi d'aujourd'hui est le sujet de demain. Tout est relié, de sorte que la guerre faite à autrui a un effet (appauvrissement, morts) sur le pays où elle est faite au moment où elle est faite, mais aussi par la suite sur le monde qui l'entoure (destructions, rancunes, déstabilisation). Historiquement, cette idée se justifie par le fait qu'une guerre, du temps de Sun Zi, opposait forcément des Chinois entre eux (les autres pays du monde étaient très mal connus). Le vainqueur récupérait les sujets du vaincu, car la notion d'ennemi héréditaire n'existait pas.
- ensuite, le shi : ce mot renvoie au concept de l'engagement de forces anodines pour faciliter la victoire. Ce déploiement repose sur la préparation, le travail, la bonne connaissance du terrain et des forces en présence (par l'espionnage), et l'adaptation aux circonstances. Il s'agit de s'insérer dans le Tao, d'aller avec le flux.

Ce livre guide aussi le lecteur sur les cinq éléments à prendre en compte dans l'élaboration d'une stratégie :

1. la cause morale : le "Tao" adresse la moralité et la vertu d'une bataille ;
2. les conditions climatiques : le paradis est signifié par le "yin" et le "yang" de la pensée taoiste. Ces conditions se manifestent par le chaud et le froid ainsi que l'alternance des quatre saisons ;
3. les conditions géographiques : la terre comprend le proche et le loin, les terrains ouverts et les passages étroits, les plaines et les montagnes. Il est ici question de topographie et de prise en compte des variations de terrain utilisables selon les types de troupes engagées ;
4. le dirigeant : le commandant doit être sage, honnête, bienveillant, courageux et strict ;
5. l'organisation et la discipline : la délégation de l'autorité et les zones de responsabilité au sein d'une organisation doivent être parfaitement comprises. Les châtiments doivent êtres exemplaires tout comme les récompenses.

Sous l'influence du Taoïsme et du Yi Jing (le Livre des Changements) l'Art de la guerre énonce que l'harmonie entre ces cinq éléments est une condition préalable au succès d'une campagne.

Il montre comment la réflexion peut mener à la victoire, comment l'analyse des faiblesses de l'ennemi peut fonder une tactique, si l'on sait les exploiter, et même les aggraver ; il met l'accent sur la psychologie du combat et sur l'importance de la ruse et de la fuite.

C'est un Jésuite, membre éminent de la Mission jésuite en Chine, le père Joseph-Marie Amiot qui a traduit et fait connaître cet écrit en Europe en 1772 (sous le nom les Treize Articles), d'où il s'est rapidement diffusé vers les cours royales et les académies militaires.

Chapitres

1. De l'évaluation (始計, Shǐjì)
2. De l'engagement (作戰, Zuòzhàn)
3. Des propositions de la victoire et de la défaite (謀攻, Móugōng)
4. De la mesure dans la disposition des moyens (軍行, Jūnxíng)
5. De la contenance (兵勢, Bīngshì)
6. Du plein et du vide (虛實, Xūshí)
7. De l'affrontement direct et indirect (軍爭, Jūnzhēng)
8. Des neuf changements (九變, Jiǔbiàn)
9. De la distribution des moyens (行軍, Xíngjūn)
10. De la topographie (地形, Dìxíng)
11. Des neuf sortes de terrains (九地, Jiǔdì)
12. De l'art d'attaquer par le feu (火攻, Huǒgōng)
13. De la concorde et de la discorde (用間, Yòngjiàn)